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2 février 2012

Platon déjà...

 

 PLATON ET LA CRISE MONDIALE

 

Auteur : Isabelle Ohmann

Le mot «crise» désigne une situation que nous ne pouvons pas résoudre avec nos moyens habituels. C’est pourquoi la notion de crise est intimement liée à celle de changement : il faut changer de comportement pour la dépasser. En clair, il faut savoir saisir l’opportunité d’une crise pour faire naître quelque chose d’autre, sinon la crise peut être difficile à supporter. Dans le cas d’une civilisation, une crise non résolue s’appelle un moyen-âge, c’est-à-dire un moment obscur caractérisé par l’absence de ce qui fonde la culture humaine : le droit, les sciences, l’art, etc. Nous vivons un moment de crises au pluriel. Au moins quatre crises importantes nous affectent à une échelle planétaire :  

• La crise sociale et humaine  - La crise de l’environnement -  la crise des ressources - La crise financière et économique

Toutes nous mettent face à la nécessité de changer nos comportements et ensemble elles constituent un faisceau d’indices qui évoquent une maladie du système.  

Platon penseur des crises  

Platon (428 – 247 av. J.-C.) était un aristocrate promis à une belle destinée politique. Il naît quand Périclès meurt à la fin du siècle le plus brillant de la Grèce et d’Athènes.

Après la mort de Périclès, règnent à Athènes une grande instabilité politique jointe à la démagogie, la corruption et l’immoralité qui conduisent à faire condamner à mort Socrate, le maître qui l’a éveillé à la philosophie. Platon a vingt-huit ans.

Il décide alors de consacrer sa vie et son œuvre à sortir Athènes de la crise dans laquelle elle est plongée. Il n’y parviendra pas car cela suppose des changements que les Athéniens ne sont pas prêts à accepter, surtout les dirigeants. Mais ses conseils seront considérés comme sages et justes par les hommes de son temps et la postérité. Ses pensées seront consignées dans de nombreux dialogues, particulièrement « La République, Le Politique et Les Lois », le dernier dialogue qu’il ait écrit.  

Cycles et crises  

Platon développe une vision historique des crises (Lois). Il constate la cyclicité de l’histoire en évoquant les cités tour à tour glorieuses et décadentes. Mais il évoque aussi des crises plus profondes qui conduisent à des bouleversements majeurs : extinction des civilisations, catastrophes naturelles… (Timée, Critias).

Platon présente donc la crise comme un moment naturel de l’histoire. Il existe des crises plus ou moins grandes mais certaines d’entre elles mettent en jeu l’existence même de la civilisation. C’est pourquoi il est important de les prévenir et de réfléchir aux mécanismes qui les engendrent.  

La dynamique des crises  

Platon, dans « La République », définit une dynamique des crises. Il explique que les sociétés perdent leur équilibre dès lors que les principes qui les fondent s’éloignent de la recherche et de la pratique de la justice pour tous. Platon identifie plusieurs causes de déséquilibre, mais celle qui lui semble fatale est la quête de la richesse.

À un moment donné, indique-t-il, les hommes, par fragilité morale, peuvent choisir l’argent comme valeur centrale de la collectivité. Ce sont alors les riches qui dirigent la société et l’argent qui donne le pouvoir. L’argent devient le principe hiérarchique et le moteur de la société. Ce ne sont plus les meilleurs, les plus justes ou désintéressés qui dirigent mais les plus fortunés et le but de la société est la richesse collective et individuelle (ce que Platon appelle oligarchie). Traduit en termes modernes, nous parlerions de croissance et d’augmentation du pouvoir d’achat. Cette quête sera exacerbée par des «frelons» qui font croire que tout le monde peut s’enrichir (accroître son niveau de vie) de façon illimitée.

L’argent, moteur individuel et social  

Platon affirme que le désir d’acquérir se répand dans tout le corps social, s’y dissémine pour exister hors de toute limitation. La dynamique du champ social devient le désir illimité d’acquérir. Pour le philosophe, ce nouveau critère va inexorablement conduire à une inégalité croissante dans la répartition des richesses qui engendrera des conflits au sein même de la société. Ceci mènera les hommes à aspirer à un nouveau mode de société autour d’un principe central, l’égalité. Le moteur de cette nouvelle société est toujours la richesse mais pour tous. De ce principe égalitaire dérive la liberté pour chacun de faire ce qu’il désire faire ou ce qui lui plaît. (Ce que Platon appelle la démocratie)  

Chacun fait ce qui lui plaît  

Bref, c’est une cité de cigales menée par le désir de ne faire que ce qui plaît. Rien n’a d’importance finalement, que le désir individuel ou l’aspiration collective : tout le monde a droit à tout. Platon explique que cela mène à une société d’égocentriques, insensibles à la présence d’autrui et inconscients de la réalité. Il qualifie cette société de société de «mangeurs de lotus» ces fleurs de l’oubli perpétuel de ce qu’on a fait l’instant précédent. Il souligne la toute-puissance de l’actuel, c’est-à-dire de l’immédiat et de instant présent.  

Tout se vaut  

Dans cette nouvelle société égalitaire, dit Platon dans « La République », tout se vaut : le fils vaut le père, la loi en vaut une autre, le désir en vaut un autre, obéir vaut commander, faire la guerre est équivalent à vivre en paix. Les repères se perdent et on confond l’essentiel avec l’accessoire. Toute différence et hiérarchie sont neutralisées : rien n’est plus important, l’argent vaut la vie humaine, vaut les valeurs morales, tout se vend, etc.  

La perte de la mesure  

Dans cette société, chacun est libre par nature, liberté par définition sans limite. Se restreindre est considéré comme attentatoire à la liberté. Au contraire, les hommes sont animés par le désir illimité d’accroître et de perpétuer leur liberté individuelle et leur richesse. Platon explique que cette société va perdre le sens de toute mesure. Il va fustiger les écarts excessifs entre les riches et les pauvres, les fortunes inestimables, etc. Il proposera d’ailleurs (Lois), de limiter les écarts de richesses à cinq : le plus fortuné ne serait pas autorisé à gagner plus de cinq fois ce que gagnerait le moins fortuné ! Sinon il serait invité à restituer à la collectivité le surplus, ou à la quitter…

Mais, par-dessus tout, se pose la question du partage du bien commun. Cette question devient insoluble quand au besoin nécessaire se substitue le désir illimité d’acquérir. Si au lieu de se limiter à ce dont nous avons besoin, nous commençons à accumuler des richesses non nécessaires, la société perd son équilibre. Cela peut arriver pour les ressources naturelles qui deviennent ainsi insuffisantes pour la collectivité.  

Individualisme et massification  

Dans cette nouvelle société, l’unité du peuple est remplacée par l’atomisation. D’une part, chacun ne vise que la satisfaction de ses propres désirs, ce qui conduit à l’individualisme. D’autre part, dans la société égalitaire, l’activité économique tend à rendre les hommes concurrentiels, donc à les séparer les uns des autres, à défaire tout lien social. Ces sociétés avides sont facteur d’émiettement, de dissolution de tout lien et engendrent la perte de la notion de bien commun, des lois, du principe de cohésion et solidarité. Cette absence de solidarité vaut entre les hommes mais aussi avec l’univers et la nature. Platon évoque «l’amitié cosmique » brisée.

Ce type de société (que Platon appelle ochlocratie) est une forme dégénérée de la démocratie qui se caractérise par la lutte quotidienne entre les individus et le règne de la force. Ce n’est plus le bien commun qui fixe les règles mais l’intérêt individuel ou corporatiste.
L’ochlocratie désigne également la société de masse où tous les individus se ressemblent dans leurs aspirations, où la foule agrégée tient lieu d’unité.  

Obscurantisme  

Platon indique que ce type de société mène l’opinion de la multitude ignorante à l’emporter sur celle de la minorité éduquée. L’individu est convaincu que son intérêt doit toujours mériter plus d’estime que le Vrai. C’est finalement une cité simulacre, travaillée par une puissance de déréalisation : mirage de la richesse qui fait le bonheur, mirage de la liberté et du progrès sans limite, inversion des valeurs, une sorte de société virtuelle déconnectée de la réalité, entraînée dans la spirale infernale de la poursuite exponentielle de la satisfaction de ses désirs.  

Comment sortir de la crise ?  

À ce stade, Platon pense qu’il est impossible et inutile de réformer (Lois). Il faut changer. Il préconise de revoir les fondements mêmes de la société. Pour cela, il souligne l’importance d’oser briser les conformismes, donc avoir du courage pour innover, le courage des (re)fondateurs. La question qu’il pose est : comment faire adhérer les êtres humains à un principe supérieur et universel, un bien commun ? Il cherche à définir les normes idéales de la vie en société. L’idée centrale est la justice et la paix. La clé sera une révolution morale.  

L’homme, la solution à la crise  

Pour Platon la crise est avant tout humaine et morale. C’est l’homme qui fait la société. Si l’homme change, la société change. Mais la société doit aussi s’organiser selon certains facteurs. Le premier est de restaurer une hiérarchie des valeurs : différencier l’important de l’accessoire, l’essentiel de l’éphémère ; retrouver les principes fondamentaux qui assurent aux collectivités humaines justice et paix, des relations harmonieuses entre elles et leur environnement. Platon explique que la liberté individuelle conduit à des excès si elle n’est pas articulée à un bien qui dépasse l’individu et ses intérêts. Le bien commun doit être plus puissant que les désirs, passions et singularités individuelles ou des groupes sociaux.  

L’éducation à la sobriété

Les gens esclaves de leurs désirs sont ceux qui sont soumis à la richesse. Il faut leur apprendre à les modérer et à orienter leur quête vers l’être et non l’avoir, à relier le désir individuel à la quête de justice. Le maître mot est la tempérance. «Ce qu’il faut léguer aux enfants ce n’est pas l’or mais une grande modération» et «Le juste milieu vaut mieux que tout» écrit Platon (République, livre V).  

L’unité de la cité  

Mais le plus important pour Platon est l’unité de la cité, c’est-à-dire la solidarité et l’amitié entre les concitoyens et avec la nature (le cosmos). Il veut amener l’individu à ressentir sa responsabilité à l’intérieur du «vaste arrangement» de la grande communauté cosmique. Il explique l’importance d’ordonner et de réguler le lieu où vont habiter les hommes afin de préserver la liberté de chacun (pas de coercition, pas de domination d’une partie sur l’autre, pas d’arbitraire), d’où l’importance de la justice. Il cherche à persuader les hommes de croire en leur parenté alors que tout les oppose, en leur rappelant qu’ils sont liés par la partie éternelle de leur âme, car la concorde et l’amitié ne règneront pas par décret mais parce que les hommes se reconnaissent comme faisant partie du même genre. L’ardeur courageuse Platon postule que la vie des hommes en société est en dépit de tout attirée par le Bien. Il enseigne dans plusieurs dialogues que l’âme humaine comporte une composante qu’il appelle thumos qui confère aux hommes une capacité d’indignation devant l’injustice et face à la peur de perdre la vie. Cette ardeur courageuse peut susciter un réflexe de survie et une mobilisation capable de sauver la collectivité. Pour cela, il faut l’orienter dans la bonne direction en développant la partie supérieure de l’homme par l’étude et la pratique de la philosophie.

 

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